Éditions GOPE, 14.8 x 21.0 cm, 202 pages, 40 photos couleur, 19€95, ISBN 979-10-91328-68-5

jeudi 30 mai 2019

Une recension de Cambodge, un monde d’esprits

Article original

Cambodge, un monde d’esprits par Philip Coggan est un livre qui ne manque pas d’esprit ni d’explications spirituelles ; il ne manque pas non plus de frapper votre esprit. Ce n’est pas dans mes habitudes de me soucier de la table des matières des livres documentaires que je lis. Pourtant, après avoir tourné la première de couverture, qui nous montre une statue de Bouddha se trouvant dans l’une des galeries du musée national d’Angkor Vat, j’ai pris le temps de lire les 2 pages qui détaillent le contenu des 14 chapitres de cet ouvrage de 202 pages qui traite de spiritisme, de bouddhisme, de colonialisme et de la monarchie.
Le livre parle principalement du Cambodge,  mais de nombreux autres pays, dont l’Inde, la Thaïlande, la Chine, la France, les États-Unis et le Vietnam sont évoqués lors de perspectives historiques. Le livre s’ouvre sur une photo pleine page prise à l’intérieur de la galerie des sculptures du musée d’Angkor Vat et sert de prélude à près de 40 photos originales disséminées dans tout l’ouvrage.

Avec des titres de chapitre tels que Le récit légendaire de la vie de Bouddha, Les divinités du foyer, Récits du monde des ombres, Les morts, A l’intérieur du crocodile, j’ai eu la tentation de papillonner de chapitre en chapitre, mais, finalement, ce ne fut pas nécessaire. J’ai lu avec plaisir ce livre d’un bout à l’autre, en trois fois. Un monde d’esprit est rempli de sujets, de passages et de récits tous plus intéressants les uns que les autres comme mon exemplaire aux pages  désormais cornées l’attestera.

Cambodge, un monde d’esprit est un documentaire qui traite de mythologie, de superstition, de fantômes, de la vie après la mort et de religion. A toutes les religions sont rattachés des mythes et des superstitions et leur sont associées des considérations sur l’au-delà, mais ce que Coggan a fait, en plus d’informer les profanes ou de rafraîchir la mémoire des moins profanes sur le bouddhisme et la vie des bonzes, c’est d’expliquer comment la religion et les mythes sont vécus sur place, tout en résumant les idéaux et les différentes façons dont le monde des esprits imprègne la vie – et la mort – des Cambodgiens et plus particulièrement de ceux vivant à la campagne.
En effet, la religion cambodgienne est floue, comme nous le dit l’introduction du chapitre 2 :

« La religion des Cambodgiens est un mélange complexe d’hindouisme, de bouddhisme et d’animisme. L’hindouisme apporta aux Khmers ses divinités, le bouddhisme ses valeurs morales et l’animisme un monde riche d’esprits. Le mélange des trois constitue le mandala de la vie spirituelle cambodgienne. »

Coggan donne des explications variées sur la vie spirituelle des Cambodgiens. Pour un livre illustré, le texte est dense par moments, parce qu’il y a beaucoup d’informations – le travail de documentation effectué par l’auteur est évident, approfondi et impressionnant. Les récits à la première personne relatifs au monde invisible, donnés par de simples villageois ainsi que des shamans révérés, qui complètent et entrecoupent les parties explicatives et historiques, plus les photos couleur rendent l’ouvrage agréable à lire. 

Philipp Coggan, écrivain et journaliste, en train de signer un exemplaire de son livre. Photo de John Fengler.

Si j’avais un seul reproche à faire au sujet de ce livre, c’est que j’aurais aimé que l’auteur fasse plus sentir sa présence, à l’exemple de Récit d’un boramey, chapitre 9. Dans ce sous-chapitre, nous avons un véritable échange (entre l’auteur et un boramey). Bien sûr, ce livre contient de nombreux témoignages, mais l’auteur à tendance à trop s’effacer.

L’un de mes chapitres préférés et le 12e, Les quatre visages. Les rois Jayavarman VII, Ponhea Yat, Norodom Ier et Sihanouk y sont évoqués. J’ai particulièrement apprécié d’en apprendre sur le roi Sihanouk, sa famille et ses liens avec la Thaïlande.

Alors que j’approchai de la fin de l’ouvrage, l’auteur sembla avoir lu dans mon esprit. J’étais en train de me demander comment on pouvait parler de compassion, de magie blanche (et noire) et de superstitions sans évoquer Pol Pot et les charniers du régime khmer rouge. Le chapitre 13 – un chiffre porte-malheur dans de nombreuses cultures – le fait, et plutôt bien ; il sert de point d’appui pour le dernier chapitre où l’on voit le Cambodge contemporain se propulser vers un avenir incertain.
A l’intérieur du crocodile aborde les années du crocodile et répond à la question : « Comment un pays bouddhiste, où l’on enseigne la non-violence et la morale, a pu concevoir et poursuivre jusqu’à sa conclusion l’exécution d’un si grand nombre de ses habitants ? » La culture cambodgienne a survécu aux Khmers rouges, mais elle n’en a assurément pas profité. Alors, comme le dit Coggan : « De nos jours, elle fait néanmoins face à son plus grand défi : la modernité ».

Daun Phann, par l’intermédiaire de Som, son kru boramey, prépare une amulette (une plaque en plomb sur laquelle sont gravées des incantations magiques). Voir chapitre 9.

Cambodge, un monde d’esprits - Les Khmers, le Bouddha et le Naga est bourré de témoignages et d’intervenants, bien plus que je puisse exprimer dans cette recension. De par son format compact, on ne sent pas obligé de le ranger. Je le verrai bien se réincarner dans un format plus luxueux, contenant plus de chapitres où l’auteur laisserait davantage entendre sa voix.
A 19.95€, Cambodge, un monde d’esprits est certes plus cher qu’un livre de poche, cependant il est d’un bon rapport qualité-prix et conviendra bien à ceux, lecteurs avisés ou personnes consciencieuses voulant faire un cadeau, qui recherchent un livre pertinent au sujet des vivants, des morts et d’une culture cambodgienne en état de siège.

Kevin S. Cummings, peoplethingsliterature.com, décembre 2015.

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