Éditions GOPE, 14.8 x 21.0 cm, 202 pages, 40 photos couleur, 19€95, ISBN 979-10-91328-68-5

samedi 14 mars 2020

On en parle sur Babelio

5/5★

Dans le cadre de l’opération Masse critique, j’avais choisi plusieurs livres correspondant à mon environnement. Livre d’histoire, livre de témoignage militaire ou policier et celui-ci : Cambodge, un monde d’esprits – Les Khmers, le Bouddha et le Naga, de Philippe Cogan. Pourquoi ai-je choisi ce livre ?

La raison est la suivante :
En 1993, j’ai vécu 6 mois au Cambodge afin de mettre en place la première élection libre de ce pays en tant que gendarme sous mandat de l’ONU. Cela était-il un signe que l’on me donne la possibilité de recevoir ce livre ? Je vous laisse à votre réflexion. Deuxième indice, lors de cette mission, je fus en relation avec différents officiers australiens dans la province où notre campement était installé. Et voici que je lis que Philip Coggan est né à Sydney, qu’il a rejoint le service diplomatique australien et participé à des missions de maintien de la Paix pour les Nations Unies, puis est revenu travailler dans une ONG aidant les victimes des Mines. Lors de ma mission en 1993, je me suis retrouvé selon ce que l’on disait sur place dans la zone la plus minée du Cambodge.

Évidemment, même si l’époque laissait peu de place au tourisme, j’ai eu l’occasion de me rendre à Battambang, Siem Reap, au temple d’Angkor qui était très très nettement moins fréquenté qu’aujourd’hui et dont certaines parties étaient encore à la main des Khmers rouges. Puis Phnom Penh et d’autres villages en bordure de la frontière thaïlandaise, au gré des différentes missions.
Au cours de ce séjour, j’ai effectivement remarqué tous ces petits sanctuaires, installés devant les maisons et à l’intérieur de celles-ci, généralement entourés de fleurs, de sujets divers, de petits jouets, objet d’une grande attention des habitants de ces lieux. Ces petits sanctuaires étaient également installés aux abords des rizières, des villages et dans des lieux propices à l’éloignement de l’activité humaine, dans des troncs d’arbres et autres.

Par la lecture de ce livre composé de 14 chapitres comprenant plusieurs paragraphes, Philip Coggan, fait une analyse particulièrement détaillée des pratiques spirituelles des Cambodgiens, en partant du récit légendaire de la vie de Bouddha, de sa naissance à sa mort. Puis le lecteur sera amené à pénétrer dans la notion du bouddhisme, qui rythme la vie des Cambodgiens leur inculquant des valeurs morales, mais aussi dans une cartographie secrète du mandala de pierre, du dharma et du monde de l’animisme. Après avoir pris connaissance de récits du monde des ombres auprès d’anciens, l’on rencontre un homme marqué par son Kamm et son Bonn, notions qui font référence à des concepts bouddhistes, associant les idées de réincarnation, de pouvoir et de statut social. L’auteur évoque l’esprit du village, ou bien celui d’un homme qui parle de ses difficultés avec ses grands-mères, l’une vivante et l’autre à naître…

Le voyage dans ce monde des esprits ne s’arrête pas là. Vous vivrez l’ordination du Naga et les différentes divinités du foyer. Vous apprendrez à reconnaître les pouvoirs terrestres avec les kru boramey, chamanes de sexe féminin, qui sont les intermédiaires pour entrer en contact avec le monde invisible.
Dans cette perspective, les morts reviennent sous forme de fantômes affamés. Vous les rencontrerez dans deux récits.

Philip Coggan s’intéresse aussi à l’histoire de Phnom Penh, à partir du roi Jayavarman VII qui régna pendant 40 ans sur l’Empire khmer jusqu’à la mer de Chine du Sud et aux confins de la Birmanie et qui avait 25 ans lorsque Suryavarman II, le fondateur d’Angkor Vat, est mort, dans un chapitre les quatre visages comme ceux du Bayon à Angkor Vat
La dernière partie de ce livre est plus contemporaine avec l’évocation du génocide perpétré par les Khmers rouges avec le témoignage d’un survivant, celui d’un bourreau, et l’évocation de la religion de l’Angkar.

L’avant-dernier chapitre intitulé Le Cinquième Bouddha évoque le plus grand défi que doit relever le Cambodge, celui de la modernité, avec une croissance de plus de 7% par an où l’on bafoue totalement la nature par la déforestation, la construction de barrages, le déplacement de plus 400 000 personnes pour réquisitionner 2 millions d’hectares de terres agricoles pour cultiver à la place du riz, des arbres à caoutchouc. Un dernier regard sur la grande migration de la campagne vers la ville nous apprend que la religion villageoise et la croyance aux esprits sont toujours garantes de la moralité et de la bienséance. Lors de la Saint-Valentin, nouvelle fête d’origine occidentale, la ministre des Affaires féminines Sivann Botum a, en 2012, fait produire une vidéo pour apprendre aux jeunes gens comment fêter la Saint-Valentin avec décence en « priant les femmes de respecter la tradition khmère, parce que la virginité est très importante ».

En 200 pages que vous pouvez lire en prenant les chapitres qui vous intéressent en premier, puis revenir après sur les autres, vous aurez entre les mains ce document indispensable à mes yeux, pour pénétrer dans l’intimité des Cambodgiens par ce regard particulièrement éclairé et documenté de Philip Coggan.


thburdet
3.5/5★

Merci à Babelio et aux éditions GOPE de m’avoir permis de découvrir ce livre dans le cadre de l’opération Masse Critique.

Je voudrais d’abord saluer le travail de l’éditeur… et pas seulement parce que j’ai découvert qu’il se situait à à peine une dizaine de kms à vol d’oiseau de chez moi !
Gope me paraît être une toute petite maison, fruit de la passion d’un homme pour l’Asie du Sud-Est… passion qui se retrouve dans l’excellente qualité du travail effectué sur ce livre.
On se doute que les moyens ne sont pas forcément pléthoriques, mais le livre est très agréable à lire car très bien mis en page, aéré, découpé, avec de belles photos en couleur, excessivement peu de coquilles et une traduction irréprochable !

Concernant l’oeuvre de Philip Coggan, il s’agit d’une très intéressante introduction au monde spirituel cambodgien, qui mêle religions organisées (dont principalement le bouddhisme) et animisme via les croyances et superstitions d’un monde essentiellement rural.

La partie finale du livre est d’ailleurs consacrée à la confrontation de cette spiritualité au monde moderne… et j’ai d’ailleurs beaucoup apprécié la partie qui tente d’expliquer (peu aisé sur un si petit nombre de pages) comment cette spiritualité a pu jouer un rôle dans l’horreur khmère rouge.
J’espère d’ailleurs trouver d’autres ouvrages qui me permettent de creuser cette partie sombre de l’histoire de ce pays.

Bref, un ouvrage concis avec lequel vous survolerez de multiples aspects de l’histoire des croyances et des esprits du Cambodge et qui vous donnera l’envie d’aller plus loin dans la connaissance de ces derniers.


ameliedum
4/5★

Mélange, et surtout imbrication, de légendes et de croyances, de tradition et d’Histoire, ce livre est une plongée dans les nombreux aspects de la société cambodgienne.

Complètement ignorante en ce qui concerne le bouddhisme et l’animisme, et notamment du fait que croire en l’un est loin de signifier croire en l’autre, j’ai beaucoup appris et ai été touchée. le documentaire est ponctué de récits de vie, de moine, de paysan, de personne ayant accueilli un esprit en eux et le tout est très humain. L’auteur, qui est lui-même allé au Cambodge pour recueillir ces témoignages (beaucoup des photos illustrant le livre sont d’ailleurs de lui), fait preuve de recul et d’ouverture d’esprit, il est donc agréable de découvrir ce lieu par son prisme.

Un vrai travail intellectuel est également mené avec des comparaisons au christianisme ou encore un questionnement sur la place de la religion dans nos sociétés actuelles.

Une belle découverte donc !